MA VIE MA GUEULE

Barberie Bichette, qu’on appelle à son grand dam Barbie, a peut-être été belle, peut-être aimée, peut-être une bonne mère pour ses enfants, une collègue fiable, une grande amoureuse, oui peut-être… Aujourd’hui, c’est noir, c’est violent, c’est absurde et ça la terrifie : elle a 55 ans (autant dire 60, et bientôt plus !). C’était fatal, mais comment faire avec soi-même, avec la mort, avec la vie en somme…  
Voici donc le dernier film de Sophie Fillières, disparue en 2023 au lendemain du tournage. Le montage s’est fait sous la supervision de ses enfants (Agathe et Adam Bonitzer) et de son monteur (François Quiqueré), transformant l’objet en une sorte de bouteille à la mer, une œuvre fantasque, à la légèreté triste. Trois moments dans la vie d’une femme : une comédie, une tragédie, une épiphanie, menés tambour battant, avec les ruptures de ton et les dialogues percutants qui ont toujours fait le sel du cinéma de Fillières. C’est aussi une œuvre terriblement émouvante puisqu’il s’agit d’un autoportrait très intime auquel Agnès Jaoui se prête corps et âme.  
Agathe Bonitzer a indiqué que sa mère n’était pas au courant de sa maladie au moment d’écrire le scénario. La précision est d’autant plus troublante que les dialogues de Ma vie ma gueule abondent en considérations sur le sens de la vie, la peur de la mort et ce qu’on laisse aux autres, donnant à l’ultime long métrage de Sophie Fillières une dimension forcément testamentaire.